Gaelle Josse : « Nos vies désacordées »

 gaelle josse nos vies désacordées

Présentation de l'éditeur : 
 "Avec Sophie, j’ai tout reçu, et tout perdu. Je me suis cru invincible. Je nous ai crus invincibles. Jamais je n’ai été aussi désarmé qu’aujourd’hui, ni plus serein peut-être. » François Vallier, jeune pianiste célèbre, découvre un jour que Sophie, qu’il a aimée passionnément puis abandonnée dans des circonstances dramatiques, est internée depuis plusieurs années. Il quitte tout pour la retrouver.
 Confronté à un univers inconnu, il va devoir se dépouiller de son personnage, se regarder en face. Dans ce temps suspendu, il va revivre jusqu’au basculement on histoire avec Sophie, artiste fragile et imprévisible.
 La musique de nos vies parfois nous échappe . Comment la retrouver ?"

Gaëlle Josse est une auteure de roman mais aussi de poésie. Dans ses romans, elle a gardé une forme de douceur et un univers métaphorique délicat.

 « Avec Sophie, j’ai tout reçu, et tout perdu. Je me suis cru invincible. Je nous ai crus invincibles. Jamais je n’ai été aussi désarmé qu’aujourd’hui, ni plus serein peut-être. Je veux jouer pour la guérir. Pour inverser le cours du torrent. »

Avec une infinie tendresse, dans son deuxième roman, « Nos vies désaccordées », elle raconte l’histoire d’amour passionnée d’un pianiste virtuose et de sa muse. Un roman de l’intime sur l’indicible fragilité des êtres et la violence de leurs choix. Avec beaucoup de maestria, elle donne à entendre toutes les notes de la petite musique d’un couple.
J’ai aimé le style aérien, les personnages éthérés saisis dans leurs détails et le rythme. Une bien jolie partition.

« Elle ressemblait à un voyage, ou plus précisément à ce moment du voyage où, encore loin de la destination envisagée, tous les repères familiers et les habitudes se sont effacés, dilués à un point tel que l’on doute de leur existence. C’est un temps de flottement, d’incertitude, mais aussi de ravissement, de curiosité et de totale disponibilité. Nous habitons une poignée de mots. »

 

Gaëlle Josse, Nos vies désaccordées, Autrement, mars 2012, 141 pages, 13 euros

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Eric Reinhardt : « L’amour et les forêts »

eric reinhardt l'amour et les forets

Présentation de l'éditeur : 
"À l'origine, Bénédicte Ombredanne avait voulu le rencontrer pour lui dire combien son dernier livre avait changé sa vie. Une vie sur laquelle elle fit bientôt des confidences à l'écrivain, l'entraînant dans sa détresse, lui racontant une folle journée de rébellion vécue deux ans plus tôt, en réaction au harcèlement continuel de son mari. La plus belle journée de toute son existence, mais aussi le début de sa perte.
Récit poignant d'une émancipation féminine, L'amour et les forêts est un texte fascinant, où la volonté d'être libre se dresse contre l'avilissement."

Né en 1965 à Nancy, Éric Reinhardt a travaillé dans l’édition, puis dans l’édition de livres d’art. En 1991, il se met à écrire et publie en 1998 un premier roman Demi-sommeil. Tout au long de ses livres, il observe notre société, ses différentes classes et leurs mœurs, avec un regard et une écriture sarcastique mais également poétique.

« L’amour et les forêts » est un roman saisissant. C’est avec une écriture d’une grande précision, vive et intense qu’Éric Reinhardt décrit le quotidien, les rêves et les frustrations de Bénédicte Ombredanne. Ce personnage féminin est rendu attachant par la mise en avant de ses luttes intérieures, de ses tentatives de survie contre l’étouffement systématique de ses espoirs de vie meilleure par son mari. Ce mari se révèle être un pervers narcissique entre les lignes, une sombre personne qui laisse planer son ombre dans le tout roman.
Ce qui me plait dans ce roman, c’est l’incroyable volonté de vivre de Bénédicte Ombredanne et sa stratégie de mise en œuvre d’espaces de respiration. Eric Reinhardt décrit tout cela avec beaucoup de finesse et d’intelligence tout en laissant une place suffisante au lecteur pour s’approprier les ombres de sa Bénédicte et la touffeur de ses forêts imaginaires.
Un peu d’humour se dessine aussi avec la retranscription d’une conversation meetic. Un vrai moment d’anthologie!
Un roman qui vous habitera longtemps et vous posera la question « jusqu’où seriez-vous prêt à aller par amour? (contraint et forcé) »….

« On est tous divisés, on est intérieurement plusieurs personnes contradictoires qui se combattent ou dont les intérêts se contredisent, on est tous amenés à jouer des rôles qui en définitive sont des facettes d’une vérité unique qu’on passe son temps à intérioriser, à travestir, à protéger du regard d’autrui et finalement à trahir, parce qu’on a honte de s’avouer aussi complexe, pluriel, tiraillé, contradictoire et donc essentiellement indéfini, alors que c’est précisément notre force. »

Eric Reinhardt, L’amour et les forêts, Gallimard, Août 2014, 368 pages, 21,90 euros

Delphine Bertholon : « Les corps inutiles »

delphine bertholon les corps inutiles

Présentation de l'éditeur :
Clémence vient d’avoir quinze ans, de terminer le collège. Un nouveau cycle s’ouvre à elle, lorsqu’elle est agressée, en plein jour et en pleine rue, par un inconnu armé d’un couteau. Ce traumatisme inaugural - même si elle n’en a pas encore conscience - va contaminer toute son existence. En effet, l’adolescente réalise qu’elle perd progressivement le sens du toucher...
À trente ans, Clémence, toujours insensible, est une célibataire endurcie, solitaire et sauvage. Après avoir été maquilleuse de cinéma, la jeune femme se retrouve employée de la « Clinique », une usine d’un genre particulier. En effet, la Clinique fabrique des poupées… mais des poupées grandeur nature, hyper-réalistes, destinées au plaisir – ou au salut – d’hommes esseulés.
Le roman déroule en alternance l’histoire de Clémence adolescente, hantée par cette agression dont elle n’a jamais osé parler à sa famille, et le récit de Clémence adulte, assumant tant bien que mal les conséquences, physiques et psychologiques, de son passé.
Mais la vie, comme toujours, est pleine de surprises.

Clémence, la bien nommée est une jeune fille au destin brisé par une mauvaise rencontre d’où elle sortira tristement anesthésiée. Alternant, la voix de Clémence ado et la voix de Clémence adulte, Delphine Bertholon ouvre la porte au bal des illusions perdues, à la réalité amère et à un monde sans sensualité. Le tour de force de cet excellent roman est de retracer parallèlement la plongée en enfer de l’agression et les tentatives de renaissance à la vie post traumatisme. Un roman tendre et violent, aux métaphores comme des poèmes. Une écriture qui vous fera penser à celle de l’excellente Laura Kasischke

« Et si ce soir-là, dans le rue au nom d’oiseau, je suis née de nouveau- sous une forme différente- les années postérieures ne semblent pas plus réelles que ces souvenirs d’enfance fraîchement pérennisés. Il y eut (un jour, vraiment ?) cette gamine insouciante, ensuite l’adolescence, morte puis ressuscitée, recollée par la haine, il y eut cette grande fille qui fardait des actrices dans des studios venteux, aujourd’hui la trentenaire, menteuse invétérée, employée de la Clinique. Mais toute ces identités, endossées tels des costumes dont je ne voulais pas, ce n’était jamais moi. Moi était une chose vague, lointaine et nébuleuse, un reflet fracassé dans les miroirs des bars, un concept, une entité. J’avais le sentiment d’avoir vécu mille vies, mais aucune n’était la mienne : tout me semblait fictif, comme si Clémence Blisson, c’était du cinéma. »

Delphine Bertholon, Les corps inutiles, Editions JC Lattès, Février 2015, 300 pages, 19 euros

 

Caroline Vié : « Dépendance day »

9782709646680-G

Présentation de l'éditeur: 
« Je me laisse tomber sur un banc, le souffle court. Je ne sais plus où je suis. À Paris. Dans une rue. Elles se ressemblent toutes. J’ai rendez-vous. Je suis perdue. Je tente de me calmer. La respiration abdominale n’a pas été inventée pour les caniches, comme dirait ma copine Véronique. Inspirer. Expirer. Je me répète la date, mon nom, celui de mon mari, de ma meilleure amie et du président de la République. Commence à m’apaiser.
 Ce n’est pas pour aujourd’hui. Ça n’a pas encore commencé. Je me suis juste égarée. Non, ce n’est pas pour maintenant. La malédiction qui a abattu ma grand-mère et ma mère ne m’a pas encore frappée. »

Entre souvenirs, envie de vie et d’avenir, « Dépendance Day » aborde la douloureuse question de l’oubli. L’oubli, non pas salvateur au doux nom de résilience, mais celui plus terrible, aux accents dur et menaçant d’Alzheimer.

« Pendant qu’on vivait sans se préoccuper de rien, en se souciant de tout, la porte du possible s’est doucement refermée sans même grincer pour nous en informer. Ne demeure plus alors que la régression dans l’espoir de mettre le pied dans l’embrasure, d’ouvrir de nouveau la boîte à délices. »

3 femmes, 3 vies, 3 destins et 3 formes d’oubli. Avec justesse, finesse et beaucoup d’humour pour désamorcer le tragique du quotidien de la fin de vie, Caroline Vié raconte sans concession, l’histoire de trois Parques : modernes et lionnes, déjantées et touchantes. Un roman sur la fin de vie, la fin de soi, les illusions, les petites victoires et l’amour.

Caroline Vié, Dépendance Day, Editions JC Lattès, Février 2015, 150 pages, 17 euros