Présentation de l'éditeur : "13 mai 1506, un certain Michelangelo Buonarotti débarque à Constantinople à l’invitation du Sultan qui veut lui confier la conception d’un pont sur la Corne d’Or. Urgence de la commande, tourbillon des rencontres, séductions et dangers de l’étrangeté byzantine, Michel Ange, l’homme de la Renaissance, esquisse avec l’Orient un sublime rendez-vous manqué, couronné par le prix Goncourt des lycéens 2010 et le prix du livre en Poitou-Charentes 2011."
Mathias Enard livre avec ce roman une histoire semi précieuse, semi brute. Inscrite dans l’Histoire de Constantinople, c’est tout l’Orient qui transpire de ses parfums et de ses traditions dans ce roman. L’auteur a été reconnu par le « Goncourt des lycéens » pour cet opus.
« J’ai aimé ta façon de m’observer, quand je chantais. La précision de tes yeux, la délicatesse de leur convoitise. Et maintenant quoi? As -tu peur, étranger? C’est moi qui devrais avoir peur. Je ne suis qu’une voix dans l’obscurité, je disparaîtrai avec l’aube. »
L’un des plus grands artistes du monde occidental débarque le 13 mai 1506, à Constantinople, sur invitation du sultan. A trente et un ans, Michel-Ange n’est pas encore connu pour les fresques de la Chapelle Sixtine ou le dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome mais son David, qui depuis deux ans trône à Florence, en fait un artiste courtisé pour son talent. Mathias Enard nous conte la découverte de cet Orient pour cet artiste de la Renaissance italienne.
« Cyprès lorsqu’il est debout, c’est un saule quand, penché sur le buveur, l’échanson incline le récipient d’où jaillit le liquide noir aux reflets rouges dans la lueur des lampes, des saphirs qui jouent aux rubis. »
J’ai lu ce roman il y a quelques années déjà. J’ai été subjuguée par l’ambiance, la dimension historique et aimé. Cette petite pépite a résonné en moi d’une façon si particulière qu’elle résonnera différemment pour vous.
« On les conquiert en leur parlant de batailles, de rois, d’éléphants et d’êtres merveilleux; en leur racontant le bonheur qu’il y aura au-delà de la mort, la lumière vive qui a présidé à leur naissance, les anges qui leur tournent autour, les démons qui les menacent, et l’amour, l’amour, cette promesse d’oubli et de satiété. Parle-leur de tout ça, et ils t’aimeront, ils feront de toi l’égal d’un dieu. »
J’ai apprécié le style épuré et à la fois travaillé de l’auteur, les descriptions aux accents orientaux, l’extrême sensibilité des personnages.
« Vous ajouterez de la beauté au monde, dit Mesihi. Il n’y a rien de plus majestueux d’un pont. Jamais aucun poème n’aura cette force, ni aucune histoire. Quand on parlera de Constantinople, on mentionnera Sainte-Sophie, la mosquée de Bayazid et votre ouvrage, Maestro. Rien d’autre. Flatté et ému, Michelangelo sourit en observant les fanaux guider les barques dans leur danse sur les flots noirs. »
Enorme coup de coeur pour ce roman.
« Michel-Ange ne parlera pas de cette nuit dans le calme de la chambre au-delà des eaux douces de la Corne d’Or, ni à Mesihi, ni à Arslan, encore moins à ses frères ou, plus tard, aux quelques amours qu’on lui connait; il garde ce souvenir quelque part dans sa peinture et dans le secret de sa poésie: ses sonnets sont la seule trace incertaine de ce qui a disparu à jamais. »
Mathias Enard, Parle-le leur de batailles, de rois et d’éléphants, Actes Sud, aout 2010, 160 pages, 17,30 euros
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