Jeanne Benameur : « Otages intimes »

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Présentation de l'éditeur : "Photographe de guerre, Étienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l’ampleur de ce qu’il lui reste à réapprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril.
De retour au village de l’enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre depuis lequel il pourrait reprendre langue avec le monde.
Au contact d’une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce progressif apaisement se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le fils de l’Italien, l’ami taiseux qui travaille le bois et joue du violoncelle. Et Jofranka, “la petite qui vient de loin”, devenue avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage de mettre en mots ce qu’elles ont vécu.
Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l’urgence de la question cruciale : quelle est la part d’otage en chacun de nous ?
De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l’otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu’on ne trouve qu’en atteignant l’intime de soi."

Jeanne Benameur a publié pour la jeunesse, de la poésie, du théâtre et bien sûr des romans pour adulte. Elle signe pour cette rentrée littéraire un nouveau brillant opus tourné vers l’intime.

Dans ce roman qui signe le retour à la liberté d’Etienne, photographe de guerre, il est question de reconstruction, d’amitié, d’espoir et l’incroyable force du passé. Etienne a été otage d’un pays en guerre et il est miraculeusement libéré après une détention que l’on devine très dure.  De retour en France, il se reconstruit par la présence de ses amis, de sa mère (Irène qui a perdu son mari en mer) et de la nature et la musique qui sont des refuges pour lui.

Ses amis d’enfance, Jofranka, « la petite qui vient de loin  » et Enzo, « le fils de l’italien » sont des piliers, des repères mais aussi une possibilité d’affronter le passé. Jofranka est avocate à La Haye, elle s’occupe de ces femmes que la guerre et les hommes ont meurtries, salies. Elle est là pour libérer la parole, faire éclater les vérité par des mots. Enzo, est plutôt un taiseux, il s’accomplit dans l’ébénisterie et s’envole régulièrement en parapente, une façon de prendre de la hauteur. Ce triangle va connaitre des variations tout au long du roman.

« Enzo cette nuit joue pour Etienne pour Jofranka pour l’enfance qui les a réunis sur le chemin. Pour cette part d’eux-mêmes qu’ils n’atteindront jamais. Leur part d’otage. »

De son enfermement, Etienne conserve le visage d’une femme qui, en plein chaos quand des factions armées surgissent en tirant, charge de leurs affaires les bras de ses enfants quand un homme affaibli est déjà tassé à l’arrière de la voiture. Cette femme qu’il n’a pas prise en photo et qu’il a regardée, planté là, plutôt que de fuir, c’est ce qui lui a valu d’être enlevé. Tout au long du roman reviendra cette figure, allégorie de la souffrance et de la peur des populations civiles par temps de guerre.

« Il lutte contre le sentiment d’avoir perdu quelque chose d’essentiel, quelque chose qui le faisait vivant parmi les vivants. »

Si la question de poursuivre son activé se pose, c’est le cheminement pour arriver à la réponse qui est surtout décrit comme si la réponse n’était pas la chose la plus importante. C’est très beau.

« Lui qui a rapporté tant d’images qui laissent sans voix il faut des mots Pour tenter de comprendre. Il a besoin de retrouver le sens à la racine. »

Jeanne Benameur aborde avec délicatesse la valeur du temps et de l’absence à soi, au monde, aux autres. Avec un style très sobre elle touche le lecteur en plein cœur grâce à ses métaphores.

« La nuit est enveloppée de rêves. C’est la nuit qui boit l’eau des rivières. Elle est là, sous le pelage des bêtes et elle entraîne. »

Le style indirect libre lui permet, quant à lui, de restituer les dialogues avec une belle fluidité.

J’ai aimé l’ambiance feutrée du roman et la sensation très réelle de l’enfermement. L’auteure donne accès aux pensée intimes des personnages avec justesse et tendresse. Une grande humanité et une douce fragilité se dégagent entre les pages de ce roman profondément ancrée dans la résilience et l’avenir.

Jeanne Benameur, Otages intimes, Actes sud, août 2015, 208 pages, 18.50 euros 

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