Présentation de l'éditeur : "Voici la chronique de deux filles et deux garçons internés dans
un hôpital psychiatrique. Jeanne, qui y tient son journal, tente de comprendre son basculement
dans « l’anormal » et de disséquer à vif les raisons de son amputation de liberté. Rageuse,
pugnace, elle a pour compagnons de « branquerie », comme elle dit, Tête d’Ail, Isis et Frisco.
L’un obsédé sexuel, l’autre pédante philosophe, tous transpercés par le désir amoureux autant
que par la solitude, par des idéaux de justice comme par des pulsions suicidaires. A très
exactement parler, ils en bavent. Avalant des gouttes et digérant des cachets, ils refusent
d’être assimilés à une faune hallucinée souvent obèse et déprimante, où les médecins ne sont
pas les moins dérangés de tous. Comment ne pas crever de tristesse et de rage ? Dans un
quotidien absurde, le sarcasme cautérise les plaies. Que va-t-il arriver à ces quatre
personnages dérisoires comme l’humain, attachants comme la faute ? Un premier roman pareil à
un rire dans la nuit."
Alexandra Fritz signe un premier roman original et dur. Compilation de plusieurs journaux intimes de différents personnages, il offre des points de vue et des styles différents ce qui donne à voir tout le talent de l’auteure.
« Quelques types au bar, la télé branchée sur les courses de l’après-midi. Je prends une bière. Comme j’ai déjà arpenté le bled de long en large plusieurs fois, j’ai pour principale occupation d’écluser peinarde quelques mousses en attendant que ça passe. J’emporte un bouquin avec moi, piqué au soldeur du coin. Quand j’en ai l’énergie, je tourne quelques pages, parfois pendant une heure ou deux. C’est une forme de voyage que de venir ici, seule dans le fond, sièges et tables vides, un balai échoué contre une banquette, les quelques clients au niveau de l’entrée, la serveuse en plein ramassage de grilles de jeu amassés au sol. J’y vois du Hopper, du Degas, du Toulouse-Lautrec et une touche des frères Coen dans la sobre élasticité des distances entre les êtres. Ah, les arts. Ils permettent d’y voir plus clair quand on n’y voit plus rien. »
L’omniprésence de la musique et des arts, les références rock du roman apporte la légèreté ou la gravité nécessaires au déroulement du roman. Les personnages sont définies avec tendresse et sans complaisance. Très fouillés, ils témoignent d’un mal être universel et d’une recherche d’absolu touchante qui saura toucher tous les lecteurs.
« J’ai perdu l’habitude de la parole. Pire, de ses interdits, de ses codes. Ce qui se dit ou pas. C’est une question d’humeur et je suis bien placée pour savoir que nos humeurs sont volatiles, toujours empreintes de mensonge, même pas fait exprès. J’en ai horreur de ces mensonges mais je m’y suis faite. Ca doit être ça la différence entre l’innée et l’acquis. «
J’ai aimé l’originalité dans le traitement de cette thématique de la folie. Il y a des passages très touchant, d’une vérité criante sur notre société et ses faiblesses. Un roman qui demande de s’accrocher mais cela en vaut vraiment la peine.
« Voici l’extase, j’ai enfin réussi quelque chose, un déterminant, une exception à la vulgate et aux communs, je suis de ces bergères surplombant la lande, montée sur pilotis, survolant, légères, tristes aplats, tristes fougères. Intra-muros, je connais la gloire des sorties de route non identifiées, explosions à jamais intimes et nourricières ; folle parmi les fous, branque parmi les branques. »
Alexandra Fritz, Branques, Grasset, mars 2016, 160 pages, 17 euros
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