Présentation de l'éditeur : "Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les
réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se
met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert
très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer.
Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.
À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux
de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation,
les rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et
tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières
pages un suspense envoûtant."
Leila Slimani publie un deuxième roman après le très rock & roll Dans le jardin de l’ogre qui traitait de l’addiction sexuelle. Là aussi, il est question du corps, duquel tout part et auquel tout revient.
Avec une écriture puissante et sèche, des personnages sur le fil, le lecteur se demande quand et comment le drame, d’emblée annoncé, va survenir. Leila Slimani décortique la naissance d’un horrible fait divers. Elle le fait en ménageant un beau suspense et avec ce détachement clinique qui lui va si bien.
Jouant et réinventant les codes la famille parfaite, la jeune auteure décrit une famille qui va éclater par la grâce vénéneuse d’une nounou d’apparence bien sous tout rapport. Elle place la domination des sentiments et de l’argent au cœur de ce roman. Entre manipulations, désespérance et jeu avec le feu, ce microcosme sociétal et culturel est passé à la loupe par l’auteure qui creuse toujours plus profond la psychologie et les non dits de ses personnages.
« Puis Louise est arrivée. Quand elle raconte ce premier entretien, Myriam adore dire que ce fut une évidence. Comme un coup de foudre amoureux. Elle insiste surtout sur la façon dont sa fille s’est comportée. » C’est elle qui l’a choisie », aime-t-elle a préciser. »
Mais qui est donc Louise, cette nounou si parfaite? Qui sont ses super-mamans, super-épouses, super-femmes à qui l’on demande de tenir sur tous les fronts : privés, publics, émotionnels? Qui sont ces femmes qui délèguent leur droit maternel à une inconnue, à une nounou? Dénonçant les nouveaux rites et diktats d’une société qui dérape, Leila Slimani signe un grand livre sur la femme, sans juger jamais.
« Elle [Louise] voudrait les mettre sous cloche, comme deux danseurs figés et souriants, collés au socle d’une boîte à musique. Elle se dit qu’elle pourrait les contempler des heures sans se lasser jamais. Qu’elle se contenterait de les regarder vivre, d’agir dans l’ombre pour que tout soit parfait, que la mécanique jamais ne s’enraie. Elle a l’intime conviction à présent, la conviction brûlante et douloureuse que son bonheur leur appartient. Qu’elle est à eux qu’ils sont à elle. »
Louise est un personnage complexe à la dérive, elle manque de tout : d’amour, d’une vie à elle, d’une place non monnayable. Malgré l’inconcevable réalité et l’horreur du drame annoncés dès la première ligne du roman, on ne parvient toutefois pas à la haïr. C’est là, la preuve indéniable que la plume de Leila Slimani est libérée, libre. Si elle s’autorise à tout dire, c’est avec panache et au scalpel.
J’ai aimé ce roman sans concessions, rude, vif comme un coup de couteau en plein cœur.
Leila Slimani, Chanson douce, Gallimard, aout 2016, 240 pages, 18 euros
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