François Bugeon : « Le monde entier »

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Présentation de l'éditeur : "« Chevalier préférait aller à son travail en Mobylette quand il faisait beau, et il portait toujours le même casque, orange, sans visière. Ce jour-là, il avait sur le dos une chemise à manches courtes que le vent de la course faisait flotter autour d’un genre de bermuda. De loin, on voyait d’abord le blanc livide de ses mollets, puis son ventre laiteux que la chemise découvrait par saccades. »
Il n’y a pas de femme dans la vie de Chevalier, pas qu’on sache en tout cas. De même qu’il n’y a pas beaucoup de tendresse entre sa mère et lui. Pourtant, il n’a jamais eu l’envie d’aller s’installer ailleurs que dans ce village où il a grandi, où il aime aller pêcher dans les étangs, avec son vieux copain Ségur. Jusqu’à ce soir d’août où son chemin a croisé une voiture renversée sur le bord de la route…
Dans ce premier roman d’une grande délicatesse, François Bugeon saisit une vie au moment où elle bascule."

Francois Bugeon publie un premier roman, généreux et délicat sur la vie à la campagne, l’amitié,  les aléas du quotidien et l’entraide.

Le monde entier est un roman profondément humaniste et lumineux. Chevalier s’illustre par un acte que tout son village veut interpréter comme un acte de bravoure alors que pour lui, il ne s’agit de quelque chose de normal, citoyen presque. Au café, du village, Sidonie le qualifie même de héros.

« Sidonie lança « voilà le héros du jour » en voyant entre Chevalier, il haussa les épaules, « ben quoi, t’es quand même un héros ! » Elle était sincère en disant cela, et sérieuse, d’ailleurs elle était toujours sérieuse, ou presque, et précisait parfois que c’était son côté alsacien. »

Mais le plus significatif dans ce premier roman, c’est l’importance de la nature. L’auteur donne à voir, ressentir et humer les parfums de la campagne. Une touchante symphonie pastorale, un hymne à l’invisible et un retour à l’essentiel, la terre.

« Il restait peu de clarté du crépuscule mais la belle lumière crayeuse de la pleine lune au-dessus de l’horizon suffisait à la marche. Chevalier appréciait particulièrement ce moment : il aimait marcher la nuit mais le faisait peu, par manque d’occasion, et puis les gens normaux ne courent pas la campagne à ces heures-là, il faut avoir une raison. C’étaient les odeurs surtout qui le rendaient fou, les odeurs d’été à la tombée de la nuit explosent comme des feux d’artifices, se soulèvent de terre comme des flammes, s’en vont lécher les gens qui passent comme pour leur dire de s’arrêter, d’être obéissants, de soumettre leurs sens à l’enchantement. Les odeurs d’été, Chevalier les comparait aux sirènes d’Ulysse, c’est pour elles qu’il naviguait en Mobylette plutôt que dans la puanteur de sa voiture. »

Roman à la ruralité assumée, c’est aussi le lieu de l’entraide entre voisins, de la rencontre des générations, et du silence respectueux. La vieillesse s’y dessine avec beaucoup de tendresse et de justesse et en fait un moment de lecture doux. Il y a quelque chose de suranné et de nostalgique.

« Chevalier pensa que les vieux sont parfois comme cela au réveil, avec ce regard effaré, ce cou tendu, regardant à droite et à gauche pour comprendre ce qui se passe, comme des oiseaux de nuit, les yeux grands ouverts et aveugles en plein jour, comme s’ils étaient demeurés dans la pénombre de leur mémoire jusque-là, et que le réveil les poussait soudain dans la lumière du vrai monde. »

J’ai apprécié toute la retenue entre les mots, l’extrême précision du vocabulaire. Le personnage de Chevalier ne cherche finalement qu’une seule tout au long du roman : la liberté. Cette liberté qu’il chérit tant trouve écho dans notre société où le temps de vivre redevient une préoccupation essentielle. Nul doute que ce court et charmant roman vous posera des questions et vous invitera à en trouver les réponses.

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François Bugeon, Le monde entier, Le Rouergue, mars 2016, 176 pages, 17,80 euros

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