Pascal Manoukian : « Ce que tient ta main droite t’appartient »

 

Pascal Manoukian a été grand reporter de guerre, il a publié un premier roman Les échoués déjà en prise directe avec l’actualité. Dans ce deuxième roman, bouleversant et brûlant, il poursuit son exploration du monde actuel en évoquant les attentats qui ont secoué la France et leurs répercutions sur les populations.

Il est difficile de parler des livres qui nous ont marqué, touché, ému profondément. C’est difficile parce que forcément, on devine un écho très fort en le lecteur et le contenu et qu’il y a une sorte de mise à nue.
J’ai essayé plusieurs fois d’écrire cette chronique, d’en trouver l’axe à dérouler pour dire combien la lecture de ce roman est nécessaire, civique, littérairement incontournable, mais je n’ai jamais trouvé les mots justes.

« La vie est un goutte-à-goutte fragile. Elle s’égrène seconde par seconde. Un rien peut en arrêter le cours. »

Alors je veux vous parler de mon émotion, celle qui m’a saisie à la lecture de ce roman, dévoré en une journée.
Bien sûr, il y a le contexte socio politique que le livre aborde et les attentats, la montée de DAESH, la machine à embrigader, la mort, les souffrances physiques et morales, les peurs, l’ombre et la lumière dans une danse macabre, mais il y a aussi cette question qui resurgit comme un leitmotiv,  » et moi, qu’aurais-je fait ?  » Le processus d’identification fonctionne très bien.

« Trouver les frustrations, c’est s’ouvrir les portes les mieux verrouillées. »

Basée sur des personnages forts aux identités complexes, l’histoire que construit pierre après pierre Pascal Mounoukian, questionne, expose, cherche des explications sans jamais prendre parti ou donner de leçons. L’auteur est un humaniste convaincu et cela se ressent profondément tout au long de cette aventure qui va amener le jeune protagoniste au cœur de la machine à tuer de DAESH par la seule volonté de trouver un sens à ce qui n’en a pas, pour tenter de comprendre l’inimaginable et expliquer pourquoi ce jeune garçon à côté de lui sur la photo de classe va basculer de l’autre côté du miroir alors que rien ne le laissait supposer.

Ici et là, l’auteur se fait aussi témoin et porte parole lorsqu’il a aborde le triste sort des minorités yézidies occupant le « berceau de l’humanité ».

Les descriptions ultra réalistes de scènes de chaos en Syrie, les métaphores saisissantes de la mise en œuvre de l’idéologie de DAESH (la paille que l’on plonge dans le cerveau) et le style sobre et direct de l’auteur font de ce roman, un livre à la fois informatif et presque métaphorique en ce qui concerne les violences humaines visibles et invisibles. La tension narrative est très présente et le lecteur se trouve embarqué dans ce roman sans autre possibilité que d’atteindre la dernière page pour être libéré du suspense grandissant. Pascal Manoukian a l’intelligence des contre points, des rebondissements et achève son roman sur une note d’espoir. Ce roman évite beaucoup d’écueils et laisse une trace très profonde mais pas uniquement par la gravité qu’il choisit de souligner. En effet, il y a aussi ces passages éclairs très lumineux et sensibles où l’humanité ressurgit et cela est salvateur pour le lecteur.

Il est rare de trouver des romans sur des sujets d’actualité aussi sensibles si bien menés et documentés. Je salue l’engagement du journaliste, la plume du romancier et les valeurs de l’homme et je vous encourage à lire ce livre qui résonne si tristement juste au lendemain de la fusillade des Champs-Élysées.

« La guerre fabrique des lâches ou des héros, et ceux qui la gagnent à la fin n’ont pas toujours les mains plus propres que ceux qui la perdent, mais la victoire absout leurs crimes et les transforme en actes de courage. »

Présentation de l'éditeur : "Si ce soir-là Charlotte n’était pas sortie dîner entre filles, elle promènerait Isis dans les allées d’un square. Il lui achèterait des livres qu’elle laisserait traîner sur la table de nuit. Chaque jour, elle serait plus belle. Chaque jour, il serait plus amoureux. Ils boiraient du Sancerre au bonheur de leurs 30 ans, danseraient sur Christine and the Queens. La vie ne tient parfois qu’à un bas filé… Le miracle n’arrivera pas : cette nuit-là, Karim perd tout. Son désir de vengeance va le mener jusqu’aux ruines d’Alep, au cœur de la machine à embrigader de Daech. Là où se cachent les monstres, mais aussi les centaines d’égarés qui ont fait le mauvais choix pour de mauvaises raisons. Là où il faudra lutter pour ne pas ressembler aux bourreaux. Un voyage réaliste au pays mal connu de l’embrigadement et de toutes les violences."

Pascal Manoukian, Ce que tient ta main droite t’appartient, Don Quichotte, janvier 2017, 288 pages, 18,90 euros

5 commentaires sur « Pascal Manoukian : « Ce que tient ta main droite t’appartient » »

  1. Bonjour. S’il est difficile pour un lecteur de parler d’un livre qui l’a ému il est encore plus compliqué (je trouve) pour un auteur de revenir sur ses intentions. Alors merci pour ces mots. Je les découvre en pleine écriture et ils m’encouragent. Pascal.

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