Violaine Huisman a le goût des mots, c’est évident. Dans son premier roman, Fugitive parce que reine chacun est à sa juste place. Il n’y en a pas un de trop. Avec une plume virevoltante et rigoureuse, elle entraîne le lecteur au cœur d’une histoire d’amour particulière entre une mère et ses filles et brosse le portrait de trois générations de femmes libres, imparfaites et heureuses.
©Gallimard
- Comment êtes-vous venu(e) à l’écriture? D’où vous en vient l’envie?
La poésie a été mon premier élan vers l’écriture, enfant d’abord. Et puis adulte j’y ai lu cette volonté de mettre de l’ordre dans le réel à travers le langage.
Mon roman, Fugitive parce que reine, s’articule autour d’un poème que j’ai écrit à ma mère à dix ans. Ce poème ma mère l’a publié dans un texte autobiographique que je cite dans mon livre, Saxifrage. C’était de manière détournée, ma première expérience de publication, mais j’en étais mécontente parce que je n’étais pas l’auteur de ce choix. L’histoire de Fugitive est en quelque sorte le récit de la réappropriation de mon poème, et au sens large, de mon écriture, du droit que l’on peut avoir d’écrire.
- Quel est votre plus beau souvenir d’auteur?
J’ai l’impression d’être trop novice pour puiser dans un catalogue de souvenirs. La plus belle chose qui me soit arrivée avec ce texte est la rencontre avec mon éditrice Maud Simonnot. En lisant sa magnifique biographie romancée de Robert McAlmon, La nuit pour adresse, notre collaboration m’est apparue comme une évidence. Nos personnages sont issus d’une même fêlure, un décalage constant qui les fait boiter tous les deux, mais donne à leur présence au monde un caractère insolite, remarquable. Leur fragilité constitue un éclairage.
- Que pensez-vous de cette citation de Fernando Pessoa « La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas »?
Le narrateur du Livre de l’intranquillité, celui qui observe « l’infiniment petit de l’espace du dedans » avec une foi sublime, à mon sens s’inscrit dans cette fêlure, cet interstice entre le réel et le rêve. C’est comme si cette brèche pouvait servir de passerelle entre le monde tangible de l’être et l’idée d’une transcendance. La littérature n’accomplit pas de miracles – elle ne ressuscite pas les morts, par exemple – mais elle permet d’entrevoir leur possible.
- Quel livre aimez-vous offrir?
J’aime offrir des livres de façon spécifique en fonction du moment, d’une conversation. Néanmoins de manière générale, j’ai souvent offert Le jour et la nuit de Georges Braque, Le livre de ma mère d’Albert Cohen et Bonjour minuit de Jean Rhys.
- Quels sont vos projets littéraires?
Je suis un peu superstitieuse. Je ne m’autorise pas à formuler de projets avant qu’ils n’aient abouti, de crainte de les condamner en amont de leur création. (C’est mon côté fêlé aussi peut-être…)
- Y a-t-il une question que je ne vous ai pas posé à laquelle vous auriez aimé répondre? Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
Merci pour vos belles questions !
- J’allais oublier… avez-vous un secret à nous confier?
Mais un secret n’est-il pas justement ce qui ne se confie pas ? Le grand lexicologue, Emile Littré, rapproche le mot français « secret » de la racine de « crise » en grec ancien, qui indique la séparation. Le secret disons, c’est ce qui est coupé au montage !