Olivia de Lamberterie : « Avec toutes mes sympathies » #rl2018

Comment faire face à un deuil ? Où retrouver du sens quand les repères s’effacent ? Comment survivre à  l’indicible douleur de la perte ? Olivia de Lamberterie, à travers son expérience personnelle, invite à une réflexion générale et offre un incroyable roman tombeau à son frère.

Si le sujet grave du suicide de son frère est évoqué dès les premières pages, comme pour se délester d’un fardeau, poser les mots, établir les faits, dire les choses avec sincérité, Olivia de Lamberterie signe un roman où la grâce des mots pour l’absent emporte le lecteur dans un écrin de douceur, de chagrin voilé et d’optimisme salvateur.

« J’avais envie de lui dire que M. de Lamberterie n’était ni un petit garçon désobéissant, ni un alcoolique, ni un drogué, juste un grand blessé. Extralucide, hypersensible. Mélancolique et désabusé. »

Bien sûr, il y a ce sujet de la perte d’un proche qui nous est cher, bien sûr, il y a ce mot suicide, posé dès les première pages, mais il y a surtout cette lutte pour la (sur)vie, celle de l’auteure, celle de son frère et en cela ce roman s’arrache d’un cas personnel pour toucher à l’universel.
Les descriptions sont vivantes, vibrantes, je pense particulièrement à la mention d’une grand-mère qui ressemble à un clown avec son blush. Le double filtre de l’enfance et l’âge adulte apporte un charme fou, entre innocence et humour ravageur. Humour que l’on retrouvera tout au long du roman.
« Je n’aime pas les gens qui se répandent, leurs confidences me donnent l’impression de voir couler un camembert trop fait. »
L’auteure ausculte aussi sa famille, son monde bourgeois avec ses codes et ses carcans, parfois avec sarcasme, parfois avec tristesse mais jamais avec résignation.
« Ma mère parle souvent en italique. »
L’aspect littéraire de ce roman m’a aussi beaucoup touchée : pourquoi lit-on ? Pourquoi écrit-on ? Pour survivre nous répond Olivia de Lamberterie qui évoque le monde de la littérature auquel elle appartient. Et comme tout livre généreux, l’auteure égrène ses phares littéraires, vivants ou morts. Parmi eux, Jérôme Garçin avec qui elle partage le deuil d’un proche et qu’elle cite :
« On écrit pour exprimer ce dont on ne peut pas parler, pour libérer tout ce qui, en nous, était empêché, claquemuré, prisonnier d’une invisible geôle. Et il n’y a pas de meilleure confidente que la page blanche à laquelle, dans le silence, on délègue ses obsessions, ses fantasmes et ses morts. Tu m’as révélé l’incroyable pouvoir de la littérature, qui à la fois prolonge la vie des disparus et empêche les vivants de disparaitre. »
Ce livre m’a profondément touchée par sa beauté, son élan, sa force.
Présentation de l'éditeur : "Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de
se souvenir des jours heureux."

Olivia de Lamberterie, Avec toutes mes sympathies, Stock, août 2018, 256 pages, 18.50 euros

Publicité

2 commentaires sur « Olivia de Lamberterie : « Avec toutes mes sympathies » #rl2018 »

  1. Ahhh, enfin une chronique sur ce livre. Je lui tourne autour depuis quelques jours sans trop savoir quoi en penser. J’attendai la venue d’Olivia De Lamberterie aux bibliothèques idéales à Strasbourg pour me décider. Mais ta chronique m’a deja bien mis l’eau à la bouche. Merci !

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.