Qu’est ce que la liberté ? Dans une longue réflexion imagée et pleine de rebondissement, Sophie Divry explore les relations entre enferment et liberté de mouvement, solitude et société et ce besoin d’interactions avec nos semblables même si l’homme est un loup pour l’homme.
Tout le roman se construit autour d’un personnage, solaire, fougueux, blessé : Joseph Kamal. Dès son incarcération, les lecteur est plongé dans un réalisme cru, violent. Les descriptions du milieu carcéral choquent et c’est tant mieux car elles vont permettent la bascule avec le monde d’après, celui où tout est calme mais néanmoins plongé dans un chaos sans nom.
« J’ai tellement envie d’être seul maintenant. Entièrement seul. Le besoin de solitude me torture presque physiquement. Ah, qu’on me donne de l’air, de l’espace. Combien je donnerais pour ne plus voir personne, pour ne plus les entendre, ces hommes, ces détenus, ces corps près du mien, ne plus les voir bouger, combiner, dominer, causer, ne plus les entendre mastiquer, se gratter, ronfler, pisser, et répandre autour de moi toute cette saloperie d’humanité. »
La deuxième partie se déroule dans un monde post-apocalyptique. Kamal, miraculeusement immunisé contre une épidémie qui fait rage, se retrouve seul perdu dans la nature et des petits villages abandonnés.
Dès lors, le lecteur assiste à une autre forme de solitude. Une solitude qui pousse à réorganiser son temps comme un survivant et à rationaliser le quotidien et rationner les ressources. Si Kamal est libre de ses mouvements, il reste asservi à sa condition d’humain.
« Il se peut qu’il ait vécu autrement, autrefois. Il se peut que quelque chose continue ailleurs. Qu’il ait été un autre ; un fils, un frère, un prisonnier, mais ça devient une chose de plus en plus impensable. »
J’ai été marquée par ce roman, proche de la fable, un peu comme une méditation sur la liberté et la solitude. Les passages descriptifs sur la nature sont magnifiques et vibrants. Ils interpellent le lecteur sur le possible refuge à une vie qui se dérègle inexorablement.
Présentation de l'éditeur : "Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine. Trois fois la fin du monde est une expérience de pensée, une ode envoûtante à la nature, l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu’à la folie dans son îlot mental. Une force poétique remarquable, une tension permanente et une justesse psychologique saisissante rendent ce roman crépusculaire impressionnant de maîtrise."
Sophie Divry, Trois fois la fin du monde, Notabilia, août 2018, 240 pages, 16 euros
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