« L’être humain cherche toujours des responsabilités absurdes aux faits. C’est comme ça, C’est plus simple. Je le sais, je l’ai compris, à présent que je peux penser ce que je veux. Mes camarades de combat, Blancs et Noirs, ont besoin de croire de ce n’est pas la guerre qui risque de les tuer, mais le mauvais œil. Ils ont besoin de croire que ce n’est pas une des milliers de balles tirées par les ennemis d’en face qui les tuera par hasard. Ils n’aiment pas le hasard. Le hasard est trop absurde. Ils veulent un responsable, ils préfèrent penser que la balle ennemie qui les atteindra est dirigée, guidée par quelqu’un de méchant, de mauvais, de malintentionné, c’est moi. Par la vérité de Dieu, ils pensent mal et très peu. »
Hypnotique. C’est le premier mot qui me vient pour parler de ce roman sur l’amitié et la violence, sur la guerre et ses cicatrices, sur le formidable pouvoir des histoires.
Tout le monde croit aux histoires. Croire pour exister, croire pour subsister, croire pour avoir moins peur. A travers l’itinéraire chaotique pendant la 1ère guerre mondiale de deux frères d’âme, David Diop dépeint la solidarité extrême des soldats, le froid des tranchées, la force des croyances.
Le personnage énigmatique d’Alfa, tirailleur sénégalais, questionne sur la loyauté et la trahison, la survivance à l’horreur. En parallèle, le fil de ses souvenirs se déroule à la manière d’un conte à la langue chantante et vibrante des voix qui se sont tues.
Si la fin m’a posé question, le livre est un enchantement.
Présentation de l'éditeur : "Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne."
David Diop, Frère d’âme, Seuil, août 2018, 176 pages, 17 euros
il me fait hésiter, j’y viendrai peut-être!
J’aimeJ’aime