« Sans passé, sans avenir, sans avant et sans après, un orphelin est une mélodie à une note. Et une mélodie à une note, ça n’existe pas. »
Il faut parfois sombrer pour renaître. C’est ce que semble nous dire entre les lignes Jean-Baptiste Andrea qui signe un troisième roman absolument remarquable sur l’enracinement d’une vie et les rêves qui se brisent dans la violence insidieuse d’un pensionnat où la lumière finira par reprendre ses droits non sans délaver beaucoup d’illusions.
« Ma reine » (Prix Femina des lycéens) et « Cent millions d’années et un jour » m’avaient touchée pour leur fougue et leur poésie. « Des diables et des saints » s’inscrit dans la même direction : trouver une voix pour exister avec ses doutes, ses rêves dans une existence dont l’âpreté n’est pas une option.
« Il était mes larmes, je devins sa voix. »
J’ai été touchée par le destin de Joseph qui se rebaptise en Joe comme pour retrouver une part de son identité perdue. Les amitiés fortes et improbables qu’il va tisser à l’orphelinat portant le nom évocateur « Les confins » sont déterminantes pour sa survie émotionnelle dans un monde où l’amour s’est tu. Les trouvailles symboliques (le « bain de vent » à découvrir absolument!), poétiques et littéraires, le style tour à tour grave et sautillant de Jean-Baptiste Andrea permettent de contraster les moments de détresse morale des orphelins et la fougue, la jeunesse de ces même garçons qui découvrent la vie et ses mystères à l’aune de premiers baisers. Alternant le passé et le présent pour éclairer l’un et l’autre des moments fondateurs de la vie de Joe, le lecteur comprend par un jeu savamment orchestré de révélations, la situation surprenante d’un pianiste prodige ne jouant que sur des pianos publics.
« Tous les orphelins ont les mains qui tremblent. »
Un élément très fort de ce roman d’apprentissage et le rapport au temps, au rythme. La figure stellaire du professeur de piano Monsieur Rothenberg qui perdure au delà de la scission entre la vie d’avant et la vie d’après ouvre un questionnement sur la puissance réparatrice et consolatrice de l’art.
Nul doute que ce roman va imprimer sa trace profondément dans le coeur des lecteurs et je prends les paris : décrocher un prix. J’aurai aimé vous parler de la précision du texte, de l’élégance des mots, du rythme et cette envie inqualifiable de tourner les pages, mais cette lecture doit aussi être la vôtre, il y a un beau chemin à aller chercher en soi pour apprivoiser les silences et les espoirs que l’auteur – conteur sème au vent des ses lignes.
Une réussite et un plaisir de lecture.
Présentation de l'éditeur : "Sur l’enfance orpheline et l’amour en fuite, voici le troisième roman d’un auteur au talent fort et singulier, multi-primé. Joseph est un vieil homme qui joue divinement du Beethoven sur les pianos publics. On le croise un jour dans une gare, un autre dans un aéroport. Il gâche son talent de concertiste au milieu des voyageurs indifférents. Il attend. Mais qui, et pourquoi ? Alors qu’il a seize ans, l’adolescent est envoyé dans un pensionnat religieux des Pyrénées, Les Confins. Tout est dans le nom. Après Les Confins, il n’y a plus rien. Ici, on recueille les abandonnés, les demeurés. Les journées sont faites de routine, de corvées, de maltraitances. Jusqu’à la rencontre avec Rose.
Jean-Baptiste Andrea, Des diables et des saints, L’Iconoclaste, janvier 2012, 368 pages, 19 euros
Il est prévu qu’il rejoigne ma PAL celui-là… Un auteur qui me touche particulièrement par son écriture toute en douceur et poésie…
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