Nicolas Mathieu : « Leurs enfants après eux » #RL2018 #MRL18 #rakuten

L’adolescence, cet entre-deux, ce moment de bascule où l’on s’ausculte à l’aune du regard des autres, miroir grossissant de nos faiblesses, nos folies, nos petites lâchetés et nos espoirs inouïs.
L’adolescence cet entre-soi démoniaque et grisant où l’on est tour à tour le maître du monde et le pire crétin.
L’adolescence et ses promesses intenables mais essentielles pour tracer sa voie dans un monde hostile et prédéterminé où il est presque interdit de rêver aux filles dorées des beaux quartiers.

Nicolas Mathieu raconte l’adolescence de trois jeunes Anthony, Steph et Hacine, mais il raconte aussi un peu la sienne et la nôtre comme un vieil eldorado des possibles. Enfin, il pose cette grave question : pouvons-nous vivre une vie différente de celle de nos parents ?

Nous sommes dans un endroit imaginaire de l’est de la France mais fortement marqué par le chômage et le désœuvrement. Il fait chaud, l’air est moite, les corps s’enfièvrent, les premières amours sont diluviennes. L’histoire se déroule sur quatre étés : 1992, 1994, 1996, 1998 marquées par quatre chansons : « Smells like teen spirit », « You could be mine », « La Fièvre » et « I will survive ». Le cadre est planté dès les premières pages, la toile se dessine et réalisme et impressionnisme se battent en duel.

« Chez eux, on était licencié, divorcé, cocu ou cancéreux. On était normal en somme, et tout ce qui existait en dehors passait pour relativement inadmissible. Les familles poussaient comme ça, sur de grandes dalles de colère, des souterrains de peines agglomérées qui, sous l’effet du Pastis, pouvaient remonter d’un seul coup en plein banquet. Anthony, de plus en plus, s’imaginait supérieur. Il rêvait de foutre le camp. »

Littérairement parlant, ce livre est agréable, fluide, d’une certaine modernité et sauvagerie dans l’expression. Les dialogues sont d’une remarquable efficacité et embarquent le lecteur au coeur de ces oubliés de l’ascenseur social. Nicolas Mathieu dans sa tentative réussie de chronique des années 90, s’inscrit dans la lignée du roman social à la Balzac, où les traits des petites gens sont débusqués pour parler de nous, tout simplement.

« Rien qu’à la regarder, Anthony se sentait mal. Ces femmes qui, d’une génération l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’assurer la persistance d’une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l’espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins. Anthony détestait la famille. Elle ne promettait rien qu’un enfer de reconduction sans but ni fin. Lui ferait des voyages et des miracles. Il s’autoriserait des choses ; il ne savait pas quoi au juste. »

J’ai aimé ce livre que j’ai lu comme une ode à la liberté et une dénonciation du déterminisme social. J’ai apprécié l’ambiance, les personnages attachants, cette manière de saisir des vérités et de les révéler avec simplicité. Enfin, dans ce roman, vous verrez, un rien nous parle de nous…

J’ai lu ce livre dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisé par Rakuten. Merci !

Présentation de l'éditeur : "Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence.
Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Hallyday, des fêtes foraines et d’Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage."

Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Actes Sud, août 2018, 432 pages, 21.80 euros

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