Stéphanie Kalfon : « Les parapluies d’Erik Satie »

J’ai toujours aimé Erik Satie, sa musique toute en ruptures et répétitions. Stéphanie Kalfon dresse un très joli portrait de cet avant-gardiste incompris au génie musical sans précédent mais elle met aussi en lumière la vie de bohème, de sa misère aux exaltations créatrices salvatrices.

Stéphanie Kalfon publie un premier roman qui épouse parfaitement la musique de Satie. Bien plus qu’une partition, l’auteure donne à attendre tout le tempo d’un homme méconnu et d’une vie de bohème. Et derrière bohème, il faut entendre misère et dénuement.

« Satie fut méconnu. Insaisissable. Incompris. Peuplé d’une vie secrète dans laquelle peut-être, possible oui, possible, il aura mis le meilleur de lui-même. Or la société a besoin de cohérence. Erik Satie était un compagnon d’errance. Un rébus. L’homme qui possédait deux pianos et qui, pourrait-on dire au vu de la taille de sa chambre, vivait chez eux. Et puis surtout cette énigme : il fut l’homme aux quatorze parapluies noirs identiques. »

De son enfance aux racines douces-amères, à sa difficile façon d’être au monde, avec le parcours d’un musicien qui se cherche, Les parapluies d’Erik Satie est un hommage appuyé et une plongée au cœur d’une époque où la liberté de création était encore compliquée. Son ami Debussy ira jusqu’à lui voler ses idées.

Avec beaucoup de tact et de finesse, l’auteure dresse le portrait d’un homme différent, profondément nostalgique et empreint d’un spleen qui n’a rien à envier à Baudelaire. S’attaquant avec humanité et délicatesse à l’expression de la différence et du mal de vivre, Stéphanie Kalfon offre également un brillant ouvrage d’analyse et d’aide à la compréhension de la folie ordinaire et quotidien de ces artistes possédés par leur art.

Dès la première phrase, vous serez entraînés par l’extrême précision de l’auteure, sa générosité et ce beau regard empathique qu’elle porte sur Satie mais aussi sur l’indifférence ordinaire qu’elle sait si bien décrire.

« On n’envie jamais les gens tristes. On les remarque. On s’assied loin, ravis de mesurer les kilomètres d’immunité qui nous tiennent à l’abri les uns des autres. »

Et comment ne pas finir ce billet sans un peu de musique.

Présentation de l'éditeur : "En 1901, Erik Satie a trente-quatre ans. Sans ressources et sans avenir professionnel, il délaisse Montmartre et l'auberge du Chat Noir pour une chambre de banlieue sordide où, coincé entre deux pianos désaccordés et quatorze parapluies identiques, il boit autant, ou plus, qu'il compose. Observateur critique de ses contemporains, l'homme dépeint par Stéphanie Kalfon est aussi un créateur brillant et fantaisiste : il condamne l'absence d'originalité de la société musicale de l'époque, et son refus des règles lui vaut l'incompréhension et le rejet de ses professeurs au Conservatoire."

Stéphanie Kalfon, Les parapluies d’Erik Satie, Joëlle Losfeld éditions, février 2017, 216 pages, 18 euros

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