Présentation de l'éditeur: "11 septembre 2011. Emma fait partie des invités d’honneur de la Maison Blanche pour les commémorations des attentats. Debout sous le soleil de septembre, elle est au plus mal. Mais est-ce son veuvage qui la fait tant souffrir ? Rien n’est moins sûr. Strasbourg. janvier 1996, Emma est insouciante, une séductrice capricieuse qui croque les hommes et les jette sans remords. Jusqu'au moment où elle rencontre l’Autre. Avec l’Autre, sa vie va prendre une tournure plus grave. Emma éprouvera au quotidien, dans les gestes les plus banals, que l’enfer existe. Sylvie Le Bihan, dans son premier roman, a choisi de traiter un sujet que connaissent beaucoup de femmes et dont peu savent parler pourtant : celui du pervers narcissique. Elle excelle, grâce à une écriture aussi mordante que délicate, à décrire comment la violence entre, parfois sans fracas, dans la vie d’une femme."
Sylvie Le Bihan est diplômée de Sciences Po, après avoir travaillé pendant 12 ans en Angleterre en donnant des cours de Sciences Politiques, comme chasseur de têtes pour la finance puis en tant que professionnelle dans le marketing, elle rentre à Paris en 2004 et travaille comme directrice de l’International pour les restaurants Pierre Gagnaire (son mari) avec qui elle a également signé un étonnant ouvrage sur le goût : « Petite Bibliothèque du gourmand ».
« Devenu ton confident, ton meilleur ami puisque depuis votre séjour à Strasbourg tu ne parlais plus que rarement aux tiens, tu lui livrais toutes tes pensées car jamais tu n’aurais pu imaginer qu’une telle perversité fût possible. il te donnait son avis sur tout et ça te rassurait, tu eus le sentiment d’exister car s’il faisait attention à toi, à ton aspect, c’était pour ton bien, pour te rendre meilleure. Les cheveux attachés, tu étais plus jolie. juste un conseil, puis un seul de ses regards appuyés et tu cherchais ton élastique fébrilement au fond de ton sac. Un bouton ouvert pour tes chemisiers, c’était plus élégant. »
Ce premier roman L’Autre, paru au Seuil en 2012 est un roman très réussi sur l’étouffement, l’enfermement, la descente aux enfers de deux femmes. Cet étouffement est dû à la maltraitance physique ou morale de ces deux jeunes femmes, Emma et Maria, par leur mari respectif. Deux milieux sociaux différents mais deux victimes avant tout, étranglées dans leur vie par la crainte d’exister.
» « J’arrive… »
Quelques mots, toujours les mêmes, et la peur qui coule le long du dos comme le mercure d’un thermomètre.
« J’arrive… »
Une poignée de minutes encore, comme chaque soirs dans votre appartement de South Kensington, à hésiter entre faire ta valise et faire à manger. Pour une femme libre, l’idée de fuite n’existe pas. »
La cruauté, la violence et le cynisme de leurs maris est souvent insoutenable. Pourquoi achever, alors, la lecture de ce roman? Parce que le style sec, direct comme une gifle et sans compromis ni métaphore est avant tout juste. Il y a une maitrise de la narration qui permet d’aborder le pire, à distance raisonnable pour le lecteur.
Le suspens que réussit à mettre en place Sylvie Le Bihan, proche à certain moment d’un roman policier, apporte du relief à l’intrigue et surtout laisse entendre qu’Emma reprendra le cours de sa vie, mais à quel prix?
Un roman nécessaire sur un aspect du monde moderne : les pervers narcissiques.
« Il n’y a qu’une chose dont je suis sûre et vous devez le croire : ce sont des monstres qui ont tué nos monstres. »
Sylvie Le Bihan, L’autre, Seuil, mai 2014, 204 pages, 16 euros
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